Livre n°2. Chap 1
(Sur la Boétie Agricole)
Davran se tenait immobile, les mains de ses bras croisés glacées, le nez rosit et fixait le paysage enneigé d'un regard vif. Sa silhouette figéee se détachait du décors blanc en haut de l'une des douze collines du terrain valonnée au centre duquel le village Solrian se trouvait. Selon les dires, la campagne solrienne permettait des belles récoltes à la saison des feuilles mortes. Les "saisons", Davran ne les connaissait pas, Benni non plus. Pourtant, ils venaient d'en découvrire une : l'Hiver, grand manteau blanc que le ciel jette sur la terre et qui engourdit les plantes jusqu'a ce qu'un homme décide que le printemps est là. Dav se pencha, plissant sa longue veste noire et son pantalon de tissu épais, pour saisir une poignée de flocons. Jaïlhem avait eu beau insister et répéter que cette substance poudreuse était de l'eau, Davran refusait de le croire. Non, ce n'était qu'une poussière de cailloux froids et rien d'autre dans l'esprit du jeune homme au mauvais caractère. Après tout, de l'eau c'était transparent et pas blanc ! Il forma une boule et la lança au loin. Il la regarda voler quelques instants puis exploser par la force de son inpact avec le sol. Il reprit sa marche. La mine ? Ce n'était déjà plus qu'un mauvais souvenir pour lui. Cette apréhension, ce refus de quitter les galerie qu'il avait tout d'abord eu, s'était évanouit, et , maintenant, il comprennait mieux ce pourquoi Wéalio et Benn-Ian s'étaient battu : la liberté. Pas de pioche, pas de maître, juste esclave des ses propres choix. Il en jouissait au maximum en parcourant les collines endormies sous une épaisse masse immaculée. Et, à présent, il ne voulait plus s'en défaire. Il espérait ne jamais abandonner ce lieu et pouvoir voir le début du printemps, l'été et puis l'automne. Il avait tellement de temps à rattraper. Son efance exploitée, le début de sa vie gachée,... Il voulait tout découvrire, comme un nourisson qui, après être resté dans le noir, naquit et voit enfin le jour. Oui, Davran naissait , il osait crier, respirer le vrai air pour la première fois. Il percevait enfin la valeur de l'existence sans contraintes, sans chef, supérieur ou rien de ce genre qui puisse lui dicter sa conduite : son prix était inestimable.
Son dos droit pivotait de temps à autre pour qu'il puisse balayer son entourage des yeux. Le claquement régulier des sabots d'un cheval sur des dalles dégagées arriva jusqu'aux oreilles de Davran. Un animal imposant, une bête de trait déboula d'un pas actif à un tournant. Le mineur aux yeux étranges se décalla par un brusque écart et tomba dans la neige. Il se retrouva le visage contre les flocons, le froid le mordant à pleine dents comme un féroce tigre avide de chaire fraîche. Davran frissonna et poussa le sol de ses mains pour se retrouver en appuis sur ses bras. En tentant de se relerver à trois reprises vaines, il éparpilla la neige auparanvant si bien répandue par les nuages. Résigné, il resta en tailleur sur le sol gelé.
"Hé ! Jeune garçon ! Cria un homme du haut de sa charette attelée. Ca va ? Rien de cassé ?"
Sans comprendre, Dav regarda autour de lui. Non, rien ne lui sembla cassé. Il hocha la tête de droite à gauche en guise de réponse. Puis, il vit le cocher sauter à terre et lui tendre la main.
"Un coup de main ? Demanda-t-il avant de se voir refuser son aide. Vous ne devriez pas rester au sol, vous allez mouillez vos vêtements."
Le Boétien aurai voulu dire qu'il n'y avait aucun risque, que ce n'était que de la poussière, mais il approuva malgré lui les paroles de l'homme : les flocons ayant fondue et l'eau s'étant imbibé dans le tissu, le tigre avait brusquement repris son assaut et attaqué cruellement ses fesses. Davran avait bondi pour se relever. Il se campa fièrement devant celui qu'il voyait comme un nouvelle ennemi. Puis il jeta un regard mauvais au suspect animal. Mais il remarqua soudain cette étrange lueur de bonté dans l'oeil de celui-ci et sans voulu d'avoir tant de méfiance.
"C'est un drôle de rat ! Déclara Davran alors que son voisin s'étouffait à ces mots.
- Quoi ?! Mon cheval ?! Un RAT ?!! S'emporta l'homme.
- Votre... Quoi ?? L'interrogea l'adoescent aux cheveux blonds.
- Mon cheval ! Il se nomme Filovka."
Dav observa la nouveauté de plus près. C'est vrai que ça ne ressemblait pas vraiment à un rat. Ces grandes pattes, ce gros museau, ces pieds de roche et ses longs poils à le place de la queue... Sauf les oreilles. Davran trouva qu'il avait celles des rats. Un peu plus longues et étroites, mais c'était bien des oreilles de rat. La bête tendi sa tête vers lui.
"Il voudrais une caresse."
Quoi ?! Davran aurait préféré mourrir que de toucher cet animal aux narines fumantes. Mais cette chose bizarre étirant son large coup lui fit pitié. Aussi, il avanca un main et posa doucement ses doigts sur le front du cheval. Il sentis le poil doux dans un sens et rugueux dans l'autre, avec une douce chaleur de vie émanant de son corps puissant. Il passa son membre sur la tête entière de l'animal explorant du toucher les creux et les bosses présentes sur ce Filoka. Il ne comprit pas quelle importance ce nom pouvait avoir. Cet animal ne savait probablement pas le prononcer.
Le cheval, heureux de recevoir une attention toute particulière, hennit doucement et vit Davran crier de peur avant de finir à nouveau la tête la première dans la neige.
"Hé bien dit donc ! Vous n'avez pas l'habitude des bêtes, vous ! De quelle planète venez-vous ?
- Ca vous regarde ?! Renvoya méchamment Davran.
- Oh, ne le prennez pas comme ça... Si je gêne je m'en vais. Allez, viens Filovka !"
Dav vit le bonhomme et sa curieuse bête disparaître à un tournant et se dressa à nouveau. Enfin un peu de tranquilité. Le jeune put se remettre à contempler le paysage. Il se retourna vers l'endroit où l'homme avait disparu. S'il s'en voulait ? Non ! Il s'agissait de Davran après tout ! Il frappa la neige du bout du pied. Il avança la long de la route, frôlant de ses doigts le bois des clôtures entourant les champs. Il se mit à réfléchir, rêvant de mettre enfin fin à cette couse poursuite entre le parasite et Benni, Jaïl et lui. Il voulait que tout cesse. Tout en se plongeant dans ses pensées, il atteignit un lac. Il ne le remarqua pas, évidement car, ne savant pas ce que représente plus d'un litre, il ne pouvait pas détecter que la longue plaque de glace n'en était que la surface. Aussi, il tourna vers la mare sans s'en rendre compte et fut particuièrement surpris quand son pied passa au travers du sol et que ses doigts de pied se retrouvèrent congelés dans ses bottes détrempées. Il recula tout de suite, puis tendit la tête vers le trou qu'il venait de former pour observer la nature de ce piège.
"Quoi ? On dirait..." Pensa Davran avant de tendre la main vers l'étrange substance.
Dans sa main creuse, il recueuillit quelques gouttes du liquide et l'observa plus attentivement. Transparent comme ce qu'il buvait à la mine mais pourtant un peu plus limpide, plus pure et plus claire. Il la porta à se lèvres. Elle lui sembla glacée, malgré la tiédeur qu'elle avait prise au contact de la paume du jeune homme. Une seule gorgée lui procura des frissons. Il aurait aimé en prendre à nouveau juste pour s'assurer qu'il ne rêvait pas, mais un détail l'effraya soudainement alors qu'il regardait à nouveau la surface de glace. Un homme l'observait. Il ne lui souriait pas. Il était parfaitement immobile, il le fixait de ses drôles d'yeux tout étirés sans failler. Dav tenta d'amorcer un pas vers la gauche, l'étranger en fit de même. Il redevint fixe et l'autre l'imita encore. Dav s'approcha et il put appercevoir le reste du corps de l'inconnu... Une longue veste noire, un pantalon marron clair, des bottes usées, un long corps plutôt imposant avec des jambes musclées, un torse puissant, des épaules carrées et trop développées. Cette personne blonde dans l'eau avait, selon Davran, vraiment l'air effrayante. Elle avait un physique si... étrange. Il reconscidéra la créature avec plus d'attention et tenta le tout pour le tout.
"Hé ! Cria-t-il. Qui êtes vous ?"
Personne ne lui répondit. Son adversaire remua juste les lèvres comme s'il répétait mot pour mot en silence.
"Oh ! Je vous parle ! Vous êtes dans l'eau ?"
Toujours pareil. Dav senti son sang bouillonner. Benni lui faisait souvent cette blague stupide et il avait horreur de ça.
" ARRRRRREEEEETTTTEEEEEEEZZZZZ !!!" S'énerva-t-il alors que l'autre rougissait de colère tout comme lui et disait muettement la même chose. Davran saisit une bûche partiellement recouverte de neige trainant près de ses pieds et la lança dans le visage de son ennemi.
Il recula à nouveau en lâche un petit couinement apeuré. Il voyait l'homme se disloquer dans l'eau agitée, des parcelles de son corps se séparer et flotter sur la subtance froide. Il observa les vaguelettes s'éloigner et la silhouette de l'homme onduler devenant de moins en moins floue. Davran vit alors les yeux de la jeune personne qu'il observait : un d'un vert particulièrement clair et l'autre d'un profond bleu turquoise. Alors, il s'immobilisa et repensa à cette conversation qu'il avait eu, cinq ans plus tôt...
***
"Hé ! Wéalio !!! Wéalio !!! Cria un Benni tout effrayé en tournant autour d'un jeune adulte qui piochait tranquillement.
- Oui ?
- Davran, m'a encore tapé ! Se plaignit le petit brun en affichant un air en colère.
- Où est-il ? Demanda Wéalio en ébouriffant les cheveux de Benn-Ian.
- Euh... Nulle part... Il... Baffouilla le petit de onze ans en essayant de dissimuler les informations qu'il n'avait pas du tout envie de révéler.
- Tu me caches quelque chose, Benn ! Où est Dav ?
- Il a décidé qu'il était... fatigué et... Il est partit se coucher ! Inventa l'enfant.
- Tu mens, j'en suis sûr ! "
Wéalio laissa sa pioche tomber au sol et abandonna Benni au fond d'une galerie. Il avança le long du tunnel, gagna le hall commun à tous les passages, là, il s'engagea sur le chemin des dortoirs. Il entra, parcouru la pièce de yeux et ne vit rien qui pouvait avoir la bouille blonde de son protégé.
"Davran !"
Aucune réponse. Il continua à chercher un peu plus loin.
"Que fait-tu, Wéalio ?"
Le jeune homme fit volte-face et reconnu le vieux minerai armé d'un fouet et d'un air mauvais. Le mineur détestait ce surveillant de mine plus que tout. Il le fusilla du regard et l'autre recevant clairement le message répéta sa question.
"Je marche, répondit l'interrogé avec arrogance.
- Tu sais bien que tu n'a pas accès à cet endroit durant la journée. Chercherais-tu quelque chose ? Davran se serait-il encore caché ?
- Non ! S'empressa de répondre Wéalio sachant bien ce qui attendrait Dav s'il disait la vérité.
- Ah, oui ? Où est Benn-Ian ?
- Il pioche.
- Et Davran ?"
Wéalio se tu. Il n'en savais rien. Il se contenta de répondre qu'il lui avait dit de l'attendre ce matin à l'entrée du réfectoire et que le jeunot n'en avait fait qu'à sa tête, n'ayant absolument pas respecté le souhait de son aîné. Il ajouta qu'il l'avait à présent juste perdu de vue et qu'il le retrouverait vite. Le viel homme ne trouva rien à redire alors il se contenta de s'éloigner en maugréant.
Le mineur se mit à courrir vers la fin de la galerie débouchant sur une des petites ruelles infréquentées dont la paroie était trop fragile pour suppoter l'extraction des pépites. Au fond, il vit un corps étendu au sol. Inquiet pour Dav, il s'approcha et se détendit lorsqu'il reconnu un simple mineur trop faible qui avait dû rendre son dernier souffle récemment. Il observa autour de lui avant d'apercevoire une silhouette immobile dans l'ombre et d'entendre une voix déclarer :
" Je l'ai tué !
- Quoi ??! Répliqua Wéalio, interloqué.
- Oui.
- Davran ?
- Mais oui, bien sûr que c'est moi ! Déclara le tout jeune adolescent en appairaissant à la lumière d'une torche murale.
- Tu... Tu as tué cet homme ? Interrogea le protecteur des deux enfants en désignant la dépouille sur le sol.
- Non. Il est mort tout seul. Ce n'est pas de lui que je parle.
- Benn-Ian m'a dit que tu l'avais frappé.
- Il n'est pas mort ? Pourtant après que je lui ai lancé une pierre sur la tête, il ne bougeait plus.
- Tu lui a... Répéta Wéalio, incrédule.
- Oui. Tu peux me remercier de ne pas avoir réussit à l'abattre."
Wéalio s'approcha de Davran alors que celui-ci, farouche, reculait craintivement. Le jeune adulte saisit la tête de Dav et la plaça tout près de la sienne. Ils se regardèrent dans les yeux sans qu'aucun d'eux ne faille. Puis, l'enfant enfouit sa tête dans le vêtement de son ami pour se mettre à pleurer sans retenue.
" Il le méritait, Wéal ! Gémit le petit blond parmi ses saglots.
- Vraiment ?
- Je voulais qu'il me dise pourquoi... Pourquoi tout le monde me trouve bizarre.
- Et qu'a-t-il répondu ?
- Il a dit que c'est parce que je ne suis pas beau, que j'ai des yeux effrayants, des cheveux mal colorés et que mes paupières sont toutes tirées !
- Etait-ce une raison de le blesser ?
- Tu crois qu'il a raison ? C'est ça ? Dit-le ! Je suis laid ! Affreux ! De toute façon, je ne suis sûrement pas un homme, puisse que je ne ressemble à personne ! Je suis un rat !"
Davran se débattit, se défit de l'étreinte de son aîné et se jetta contre la paroie avec brutalité avant de se recroqueviller en bas. Wéalio tenta de l'approcher mais le petit se rebella méchamment.
" Vas-t-en ! Es-tu fou ?! C'est méchant un rat ! Allez ! Vas-t-en !"
***
Le regard de Davran dévisagea l'inconnu dans la mare. Des cheveux blonds avec des mèches rousses et noires... Les yeux effrayants... Les paupières toutes tirées... Il comprit que cet être qu'il voyait était lui-même, son reflet. Il se sentit alors particulièrement stupide de ne pas s'en être apperçu plus tôt. Il comprennait maintenant pourquoi on l'avais traité de la sorte. Jamais il n'avait croisé quelqu'un d'aussi étrange que lui. Il cessa de s'attarder sur la mare et reprit sa route. Il coupa à travers champs, quittant le route. Il parcourut les prés endormis sous la neige.
Accueil 
Rechercher 
S'enregistrer 
Connexion 
Lun 25 Juin - 15:03
